Présentation

Dans le cadre du projet de coopération internationale entre la France et le Brésil (accord CAPES-COFECUB) qui rassemble des chercheurs français (Universités de Rouen, Paris 8, Lille et Nantes) et des chercheurs brésiliens (Universités de Campinas, São Paulo, Marília, Rio de Janeiro et São João del Rey) est proposé un premier colloque de Philosophie de l’Éducation dans le but d’approfondir les analyses conceptuelles autour de la différence et de la diversité.

Ce colloque se propose d’examiner la question du conformisme en éducation.

En effet la réflexion sur le conformisme a bien souvent été au cœur des réflexions et préoccupations concernant l’école et l’éducation.

D’un côté, il est difficile ne nier que l’école comme l’éducation font et doivent faire du commun. Le sens de l’école comme de l’éducation ne tient-il pas à tout un travail de socialisation ou et plus largement d’humanisation ? Et, socialiser, comme humaniser, c’est bien rapporter à une même forme ou mesure et cultiver une certaine identité des uns et des autres. Certes il y a bien des manières, plus ou moins légitimes ou brutales de faire une telle opération, mais l’horizon de l’éducation est bien le souci d’un certain commun ou le souci d’une identité commune, souci d’habitudes partagées comme le disait Aristote, ou souci d’une culture commune, comme on dit en France. Il faudrait même ajouter que ce souci du commun doit être aujourd’hui particulièrement défendu, peut-être comme hier mais avec des raisons et motifs différents et qui prendraient en charge les tendances à la division propres à notre époque. Même si avec aspects et réalités très différents, aujourd’hui on le sent, soit en France soit au Brésil.

Toutefois, si cette dimension de l’éducation doit être reconnue, l’inquiétude qu’elle pouvait conduire à du pur et simple conformisme n’en fut pas moins très importante dans les traditions éducatives et formatives, tant d’un point de vue pratique que d’un point de vue réflexif. Selon cette deuxième exigence, on se soucie d’autre chose que de forme commune ou d’identité ; on craint une trop fort identification ou soumission des individus aux normes, dans lesquelles, pense-t-on, l’individu risque de se perdre aussi bien que le pouvoir d’initiative dont il est le siège. Le principe d’une éducation à l’émancipation et à l’autonomie risque alors de se dissoudre au profit d’une éducation consistant à accepter unilatéralement l’ordre existant. Comment tenir compte de ce danger du conformisme, dans le souci même d’une éducation qui ne renie pas l’horizon d’un certain commun ? Comment réciproquement prendre en charge une certaine identité de tous sans refuser un certain jeu de l’individu?

La question n’est pas celle de l’opposition de l’individu à la société mais plutôt celle d’une société ainsi que d’une éducation qui d’une part ont suffisamment d’espace de jeux en leur sein pour laisser jouer la différence de l’individu par rapport aux normes, aux images dominantes et à la communauté, et d’autre part suffisamment de force pour affirmer et situer ces mêmes individus par rapport à du commun.

Une telle interrogation revient à poser la thématique de la différence, non pas comme opposition au même ou au commun, mais bien comme le jeu ou le travail de la différence dans l’identité, autant que comme le jeu et le travail de l’identité dans les différences, i.e. les modes très divers selon lesquels les différences peuvent se rapporter les unes aux autres et créer quelque chose de commun. Résistance d’un côté, inventions de l’autre, aussi bien individuelles que collectives.

Dans la question ainsi posée le colloque s’attachera aux deux aspects suivants qu’il s’efforcera de croiser:
- explorer ce qui dans la tradition philosophique, en particulier dans ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler les philosophies de la différence (Deleuze, Derrida, Foucault, Lyotard, Adorno et la Théorie Critique, Heidegger…) mais pas seulement (Montaigne, Diderot, Emerson, Rousseau furent tous très inquiets du conformisme et de la différence) peut nous permettre d’instruire ce problème. Manifester par là la fécondité de ces traditions.
- Explorer également, ce que l’on pourrait nommer « les lieux, les temps, ou encore les opérateurs de la différence », i.e. les modalités de son avoir lieu ainsi que les opérations grâce auxquelles elle se constitue. Comment et si l’on échappe au conformisme ?

Le travail mené depuis maintenant deux années par l’équipe de recherche à l’initiative de ce colloque, permet d’isoler et d’identifier un certain nombre de ces opérateurs, à titre indicatif:
- Si et comment le dialogue, peut être un tel opérateur ? Certains l’ont nié (Deleuze, Lyotard) ; pourtant la question ne peut-elle être reprise et le dialogue dans la classe, n’est-il pas une façon de renverser la prééminence du maître et de faire apparaître la différence propre des élèves ?
- Si et comment l’expérience du handicapé dans la classe peut être l’occasion d’une expérience de la différence propre à chacun et d’un nouveau rapport au collectif ? Que penser alors des politiques dites d’inclusion : que veulent-elles exactement et que penser des images d’une autre citoyenneté qu’elles véhiculent ?
- si et comment l’opposition du primitif et le civilisé, peut-elle aujourd’hui être rejouée, autrement bien sûr que selon le sens qu’elle eut au travers de l’histoire coloniale et post-coloniale ? C’est ce qu’une interrogation sur l’anthropophagie permet de mener.
- si et comment le rapport au savoir peut –être cultivé selon ce motif d’une plus grande différence ou diversité, et là est en question aussi bien un certain goût de la diversité et de l’éclectisme, que des traditions anciennes avaient su analyser et exposer, qu’une plus grande attention à la diversité des intelligences.
- si et comment on doit valoriser la thématique d’un devenir autre pour penser l’interculturalité et ainsi rompre avec le souci d’un devenir soi-même ? Rompre aussi autant avec les clichés identitaire qu’avec les clichés de l’éloge des différences.
- si et comment la question des passages et des métamorphoses ne doit pas chercher à remplacer toute pensée ou perspective hiérarchique.
- si et comment la critique de l’héritage des lumières, portée en particulier par la Théorie Critique allemande, fut bien l’occasion de la construction d’une pensée de la différence.

Le colloque sera constitué de conférences, tables rondes et communications orales de chercheurs. Les communications peuvent être présentées en français et en portugais.